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QUAND LE RÊVE SE FAIT MUSIQUE : Olivia Colboc, pianiste intuitive
Rubrique : Musiques vivantes | Date : 23 Mars 2021 | Commentaires |
Photo : Eva Bigeard

Depuis son enfance, Olivia a le don de capter la musique qui la traverse et de la jouer intuitivement au piano, sans que personne ne le lui ait appris. Pour l'écouter, c'est par ICI... A l'approche du sommet virtuel Be Your Flow - "Etre soi-même, vivre ses rêves", j'ai retrouvé cette pianiste intuitive et ingénieure, initiatrice du projet. Rencontre avec une personnalité attachante au parcours particulièrement atypique.


Viviane BRUNEAU-SHEN : Bonjour Olivia. Depuis que je te connais, la musique t’habite, il suffit que tu t’installes au piano et elle jaillit de toi comme une fontaine. Tu n’as pas de partition car tu possèdes le don précieux de l’improvisation. Tu te définis toi-même comme « pianiste intuitive » : qu’est-ce que cela veut dire et d’où te vient ce don ?


Olivia COLBOC : J’ai commencé à jouer du piano quand j’avais 10 ans. En effet, il y avait un piano à la maison car ma maman en jouait (pour la petite histoire, mon père a offert ce piano à ma mère pour ma naissance). Je voyais et entendais ma maman jouer Chopin, Liszt… j’étais fascinée et j’ai voulu faire comme elle. J’ai donc commencé avec un doigt, puis une main, puis les deux mains. Le piano est très vite devenu mon confident, mon meilleur ami. Je pouvais tout lui dire avec les notes et tout lui exprimer, je pouvais être totalement moi-même, totalement libre. Je n’ai jamais eu la sensation de “travailler”, j’ai toujours “joué” avec le piano. Ma mère ne m’a jamais montré comment jouer et j’ai refusé de prendre des cours au conservatoire car j’avais peur qu’on m’impose une façon de jouer et de perdre ma liberté.


Je me définis comme pianiste intuitive car je joue la musique qui passe par mon corps quand je suis devant le clavier. Je ne cherche pas à “faire”du piano, mais à “être” avec le piano. Ce qui est très puissant pour moi est de voir comme le piano transforme les émotions que je lui transmets depuis mon corps et comment ces vibrations qu’il produit viennent à leur tour me nourrir. Cela me faisait tellement de bien, alors en réponse, je lui ré-exprimais une nouvelle émotion, et nous voilà partis tous les deux dans des voyages incroyables ! 


VBS : Même lorsqu’on compose ou qu’on improvise, on s’inspire souvent de ce qui existe déjà. Les musiques qu’on aime et qu’on a écoutée nourrissent nos propres créations. Peux-tu nous dire quelles sont les musiques qui influencent ton style ?


OC : J’ai clairement un passé de musique classique grâce à ma maman. J’adore Chopin, Liszt, Rachmaninov, Schumann, Haendel, Bach… Mon premier gros choc fut la musique du film “La leçon de piano”. Je découvrais une musique qui me parlait entièrement et me faisait vibrer jusque dans toutes mes cellules. J’aime beaucoup tout ce courant “néo-classique” : Philippe Glass, Ludovico Einaudi, Nils Frahms, Ólafur Arnalds, Hania Rani, Yann Tiersen, Cyril Morin. J’écoute aussi beaucoup de musique de film : Hanz Zimmer, Alexandre Desplat, Clint Mansell… Ce que je regrette beaucoup est que je ne connaisse pas autant de femmes compositrices que d’hommes compositeurs. Et comme elles existent, c’est à moi d’aller les découvrir !


VBS : Olivia, est-ce que ça t’arrive d’être en panne d’inspiration ? Que fais-tu dans ces moments-là ?


OC : Il m’arrive rarement d’être en panne d’inspiration, mais je pense que cela n’est pas dû au fait que j’ai tout le temps de l’inspiration - disons plutôt que je suis plus souvent devant le piano au moment où j'ai de l’inspiration. Dit autrement, je pense que - et mon corps m’aide - je ne vais pas au piano si je ne le sens pas.

Après, il y a des concerts plus ou moins réussis, des concerts où je me sentais plus ou moins dedans, avec plus ou moins d’inspiration. Mais au final, ce ne sont que des variations, comme tout dans la Nature. J’essaye alors d’être douce avec moi-même et d’accepter les retours positifs des personnes qui étaient là, même quand je me juge pas au top.


VBS : Qu’est-ce qui t’a alors amenée à frapper à ma porte en 2006, pour demander des cours ? Je reste surprise et émerveillée de notre rencontre, ainsi que des séances de travail qu’on a pu vivre ensemble, plusieurs années durant…


OC : Pendant plus de quinze ans j’ai joué toute seule, soit chez mes parents, soit là où je trouvais des pianos pendant mes études. En 2006, j’ai pris toutes mes économies et je suis allée acheter mon piano et je me suis dit : “ok, je sens que je dois trouver quelqu’un pour m’aider dans mon jeu afin de progresser… mais il faut que ça soit quelqu’un qui me comprenne”.

Je suis donc allée un samedi matin au CNSM de Paris, j’ai trouvé porte close mais j’ai vu un groupe de jeunes musicien·ne·s qui entrait par le côté. Je me suis glissée dans le groupe pour entrer avec eux et j’ai marché tout droit dans un couloir. Là, j’ai arrêté la 1ère personne que j’ai croisée afin de lui demander s’il ne connaissait pas quelqu’un pour me donner des cours de piano. Il avait un alto à la main, il m’a regardé et m’a donné le nom de la pianiste avec qui il jouait de la musique de chambre. C’est comme ça que je t’ai appelée, Viviane, et que je me suis retrouvée chez toi ! Pendant plusieurs années, nous avons travaillé, et j’ai commencé à structurer un peu plus ma musique.


Je garde des souvenirs extraordinaires de nos séances. Tu m’as expliqué, tu m’as montré, mais je ne me suis jamais sentie enfermée dans une méthode. Bien au contraire, j’avais cette sensation d’être prise en compte entièrement pour trouver le bon accord entre nous, entre qui je suis et la matière de ton accompagnement. Ce qui fut et reste très efficace !


Tu m’as ouverte à mon intériorité, pour que je me rende compte des trésors que j’avais en moi et que je prenne conscience de ce qui se passe. Cette conscience permet d’apprendre pour avancer dans son chemin et non sur le chemin de l’enseignement. Je vois tout ce que tu m’as appris comme une boîte à outils et comme une ouverture spirituelle pour m’aider à avancer sur mon propre chemin. Je t’ai sentie (et je te sens toujours) comme une enseignante qui me guide non pas devant moi pour me dire quel chemin prendre, mais à côté de moi pour me soutenir, m’encourager, me rattraper quand je tombais sur mon propre chemin.


VBS : Je suis en tout cas, très honorée de la confiance que tu m’as faite en venant vers moi. Quelle a été la suite de ton parcours, artistique et professionnel ?


OC : En 2011 je pars faire le chemin de St Jacques de Compostelle et je reviens avec la conviction que je dois partager ma musique au monde. En 2013, je pars avec une association en Inde donner des concerts dans tout le sud de ce pays incroyable. J’y vais aussi pour découvrir comment ma musique est reçue, car jusqu’à présent je ne jouais que pour un cercle restreint de personnes. Je trouve lors de ce voyage la confirmation que je souhaite partager encore plus ma musique. A mon retour, je vais jouer sur toutes les scènes ouvertes de Paris que je trouve et c’est à ce moment-là que je rencontre le monde du slam, avec lequel j’ai cheminé pendant de nombreuses années. Ce fut une superbe école. Etre sur scène, avec à côté de moi le·a slameur·se qui souhaitait que j’improvise sur son texte : et c’est parti, me voilà à jouer ce que je ressentais du texte. Je n’écoutais pas les mots (de manière générale, je ne capte pas les mots d’une chanson, j’enregistre surtout la musique), je ressentais l’énergie du texte, l’énergie du slameu·r·se, l’énergie du lien entre nous et de la danse que nous faisions entre les mots et les notes. Je leur disais souvent, “je ne vous accompagne pas, je joue avec vous”, et ce fut à chaque fois beaucoup d’émerveillement que de me rendre compte à quel point tout était juste, que l’alchimie se créait, parfaitement comme elle devait se créer.


En 2016, j’ai découvert la danse libre. J’ai adoré cette pratique car j’y voyais le maillon qui me manquait : la musique - le mouvement - le soin. J’ai donc commencé à jouer dans les ateliers de danse libre et j’ai pu voir combien ma musique se mariait au mouvement et combien je jouais la musique en fonction des personnes devant moi : je retrouvais la même alchimie qu’avec le slam.



VBS : Où peut-on t’entendre ? As-tu des enregistrements disponibles ? Quels sont tes projets en cours ?


OC : En 2016, je me décide à sauter le pas et à aller en studio pour enregistrer mon premier album de piano. Ce fut assez drôle comme rencontre. Je me revois arriver devant l’ingénieur son, les mains dans les poches comme à mon habitude. Il me demande si j’ai les partitions des morceaux que je souhaite enregistrer et je lui réponds que non, puisque je j’improvise. Alors on commence : premier morceau, on lance l’enregistrement. Je le joue, avec mon cœur et mon âme. A la fin, l’ingénieur son me dit : “c’est super, on va faire une deuxième prise”. Je lui réponds que c’est impossible car je ne joue jamais la même chose à chaque fois. Il m’a dit qu’il fallait que je refasse d’autres prises pour le mixage et me voilà avec un casque sur les oreilles pour écouter la première prise afin de pouvoir la rejouer ! 


Après avoir beaucoup pratiqué la danse libre, j’ai décidé de lancer mes propres espaces de danse libre que je tiens seule. J’ai donc développé le concept de “concert in movement” : je donne un concert dans une salle de danse et j’invite les personnes à se mettre en mouvement afin de laisser leurs corps faire ce qui est bon pour elles et mettre en mouvement leurs émotions : danser, s’allonger, écrire, dessiner, marcher, dormir, s’asseoir, pleurer, rire... 


Depuis le début de la pandémie, je donne mes “concert in movement” online, ce que j’aime bien aussi, car des personnes du monde entier peuvent se connecter. 


Enfin, toujours depuis le premier confinement, j’ai aussi mis en place les “Good Monday Morning” : tous les lundis matins, je joue en live sur Facebook ce que je ressens. J’aime ces moments : jouer juste ce qui est !


Je suis présente sur YouTube où je poste mes « Good Monday Morning » (qui ont lieu sur ma page Facebook).


On peut aussi écouter mon album sur Spotify et l’acheter sur Bandcamp.


VBS : Tu as récemment initié et organisé d’une main de maître le sommet virtuel « Be your flow », avec pour thématique : « être soi-même et vivre ses rêves ». Qu’est-ce qui t’a donné cette idée ? En quoi ce projet est-il important pour toi ?


OC : Je suis convaincue que tout le monde peut briller tel·le qu’il·elle·iel est. Et que si chaque personne sur Terre pouvait briller tel·le qu’il·elle·iel est, le monde serait encore plus beau. Nous sommes tou·te·s uniques et c’est ça que je trouve magnifique : tous les spectres que composent la Nature, comme une symphonie dans laquelle nous sommes une note, qui est unique, mais très importante car sans elle, la mélodie n’est pas la bonne.


Alors comme ce sujet me tient à coeur, j’ai décidé d’aller porter encore plus haut ce message et de rassembler des artistes, des coachs, des enseignant·e·s pour nous partager leurs chemins et leurs apprentissages pour nous éclairer sur notre propre chemin et vers la réalisation de nos propres rêves. 


Imaginons un instant : que serait le monde demain, si chaque être humain pouvait réaliser ses rêves dans le respect et la bienveillance ? Je pense qu’il serait encore plus beau et c’est pour cela que je souhaite soutenir ce mouvement en organisant ce sommet !


VBS : Puisqu’on parle de « vivre ses rêves » : Olivia, quel est ton rêve le plus fou, pour toi et pour le monde ?


OC : Mon rêve serait que chaque personne sur Terre puisse être elle-même et vivre, se réaliser, s’épanouir sans discrimination mais au contraire en étant soutenue et reconnue dans sa magnifique unicité.


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